Améliorer l’intégration et la prise en compte des systèmes agroforestiers dans les politiques publiques et promouvoir l'agroforesterie. Voilà l'ambition majeure de RÉUNIR-AF. Porté par l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture (APCA) et l'Association française arbres champêtres et Agroforesteries (Afac-Agroforesterie), ce projet MCDR associe un réseau de 23 référents régionaux issus de structures locales et régionales de développement de l’agroforesterie. « Majoritairement composés d'un binôme Chambre d'agriculture et Afac, les référents locaux sont nos yeux et oreilles sur le terrain. Parce qu’ils observent au quotidien les effets des réglementations, leur expertise est très importante pour identifier les points d’amélioration possibles de ces politiques » explique Baptiste Sanson, co-pilote de RÉUNIR-AF et responsable stratégie et projets de l'Afac Agroforesteries. « L’idée du projet est de réfléchir tous ensemble et de faire des propositions notamment pour la prochaine PAC » complète Léa Lemoine, cheffe de projet à l’APCA.
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Rassemblés lors de séminaires ou dans le cadre de groupes de travail, les partenaires de RÉUNIR-AF se sont penchés sur la question du sylvopastoralisme dans la future PAC, des impacts de l'introduction d'arbres sur des parcelles viticoles, de la prise en compte des infrastructures arborées dans toutes les interventions de la future PAC (conditionnalité, paiements pour services environnementaux, etc.) ou encore de l'association arbres-volailles. Des travaux qui ont notamment abouti à la création d'une note de propositions pour une meilleure intégration des systèmes agroforestiers dans la PAC post 2020. « Nous avons bien avancé sur le sujet du sylvopastoralisme et de la PAC et poursuivons nos échanges avec les pouvoirs publics sur les modalités d'applications de nos propositions », précise Baptiste Sanson. D'ici la fin du projet, les partenaires envisagent la publication de guides sur des thématiques comme l'agroforesterie et les zones de non traitement ou la prise en compte de l'arbre dans le déploiement de la fibre optique.
Afin de promouvoir l'agroforesterie, les partenaires ont lancé, en 2018, le concours national des pratiques d’agroforesterie, intégré au Concours Général Agricole dans sa catégorie « Pratiques agroécologiques ». Lors de cette première édition, cinq agriculteurs ont été récompensés « pour leurs pratiques agroforestières extraordinaires et exemplaires » précise Baptiste Sanson. Pourquoi promouvoir l’agroforesterie ? Pour ses multiples avantages environnementaux, agricoles ou paysagers : « Les arbres attirent des auxiliaires de cultures pour lutter contre les ravageurs. Leur appareil racinaire permet de maintenir la structure du sol, de retenir l’eau, d’empêcher les glissements de terrain et de faire remonter les nutriments. Sur l’exploitation, l’agroforesterie permet aussi de diversifier les productions, de valoriser le bois (bois énergie, litière…) ou d’améliorer le bien-être animal » développe Léa Lemoine. « La trame bocagère au coeur des paysages agricoles a la capacité de réguler le climat, de stocker du carbone et constitue un réservoir de biodiversité » ajoute Baptiste Sanson.
© Afac-Agroforesteries
"Réintroduire des haies pour favoriser la biodiversité et protéger les cultures du vent"par Carole Anziani, chargée de mission agro-environnement à l'office de l'environnement de Corse |
"Déjà membre du Réseau Rural Agroforestier Français (RRAF – projet MCDR 2015-2018), je suis référente régionale REUNIR-AF pour la Corse. Je participe notamment aux groupes de travail sur le sylvopastoralisme, la viticulture, les parcours volaille et les surfaces d'intérêt écologique (SIE). Être membre d'un réseau comme REUNIR-AF offre des opportunités de rencontres et d'échanges. Nous avons par exemple travaillé sur des propositions pour la future PAC afin de valoriser davantage les haies et arbres isolés en tant que surfaces d’intérêt écologique (SIE) ou de mieux prendre en compte l'effectivité de l'activité agricole sur les espaces sylvopastoraux. Faire partie de ce réseau m'a aussi permis de mettre en place une formation auprès de jeunes agriculteurs avec pour intervenant une conseillère technique d'Auvergne spécialiste des haies.
Développer l'agroforesterie serait très intéressant pour la Corse. En périphérie des parcelles de vignes ou d'agrumes, qui sont des zones monospécifiques, réintroduire des haies favoriserait la biodiversité et permettrait de protéger les cultures du vent. Pour les éleveurs des zones de plaines, introduire des arbres fourragers offrirait de la nourriture aux animaux, notamment aux ovins, pendant l'été lorsqu'il n'y a plus d'herbe. Ces apports arriveraient au bon moment : lors des mises-bas ou pendant la lactation. Encore peu pratiquée, l'agroforesterie en Corse doit également faire face à une problématique : la production de plants insulaires pour éviter d'importer des maladies comme la Xylella fastidiosa ou la Chalarose du Frêne. Depuis 2019, nous collaborons avec un pépiniériste pour produire des plants de mûrier, de frêne et de caroubier locaux en partenariat avec six exploitations et deux lycées agricoles de l'île."
"Le bien-être de l'éleveur, un des bénéfices majeurs de l'agroforesterie"par Gérard Vernis, éleveur à Franchesse (Allier), lauréat du 1er concours national des pratiques |
"Agriculteur depuis 33 ans, je possède 150 bovins, de race charolaise, que j'élève sous le label bio « Coeur de terroir ». Depuis toujours, mon exploitation est bocagère, avec des chênes centenaires. Cependant, avant 2008, je faisais comme tous les éleveurs : je broyais mes haies chaque année, par tradition. C'est mon intérêt pour un projet de chaufferie bois sur notre territoire qui m'a encouragé a remplacé ma chaudière au fioul par une chaudière à plaquettes. Afin de pouvoir me chauffer sans pénaliser le bocage, j'ai fait intervenir la Mission Haies d'Auvergne afin de créer ensemble un plan de gestion de la haie.
En 2010, j'ai commencé à créer de nouvelles haies avec des noyers, des essences mellifères (tilleuls, merisiers, alisiers...), des saules sur une parcelle proche d'un cours d'eau pour une production rapide de bois... Aujourd'hui, mes bocages ont, en moyenne, une surface de 5 ha. Les bénéfices sont nombreux : économie de fioul mais aussi de paille car je crée de la litière plaquette, diversification de mes productions avec les fruits de noyers, enrichissement de mon miel avec les essences mellifères, protection naturelle contre le vent et la chaleur pour mes animaux, préservation de la biodiversité... Autre bénéfice majeur : le bien-être de l'éleveur ! Je me sens mieux dans cet écosystème. Les oiseaux sont nombreux, c'est agréable,c'est riche... J'étais très content d'être récompensé lors du concours
national des pratiques d’agroforesterie car préserver ses haies est encore mal vu chez les éleveurs. Cette initiative peut contribuer à changer les mentalités."