"Il y a urgence à inciter les exploitations agricoles et les collectivités territoriales à adopter de nouvelles pratiques favorisant la diminution des émissions de gaz à effet de serre et l’adaptation au changement climatique" lance Didier Jammes, responsable du pôle Agro-environnement Energie Climat pour le réseau Bio de PACA (84), la structure chargée de la coordination technique du projet "Mobilisation d’un réseau d’acteurs pour accompagner la transition climatique". Porté par la Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) et 11 partenaires techniques et financiers, ce projet vise à développer un réseau national de parcelles, de fermes et de collectivités territoriales afin de valoriser des actions innovantes et performantes au regard de l’adaptation au changement climatique. Finalité : démontrer les intérêts économiques, agronomiques et environnementaux liés à l’évolution de pratiques, de systèmes de production, de mesures ou d’approches territoriales. Le plan d’action élaboré par les partenaires est déployé sur 6 territoires : Occitanie, PACA, Hauts de France, Grand Est et Pays de Loire. Il s’articule en 3 axes destinés à mobiliser des réseaux d’acteurs autour d’objectifs communs.
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Intitulé Sols Bio Climat, le 1er axe vise à constituer un réseau de parcelles afin d’étudier la capacité de stockage additionnel de carbone dans les sols et l’amélioration de leur fertilité. "S’il était possible de stocker 4 pour 1000 de carbone dans tous les sols, nous compenserions les émissions de carbone de l’humanité, souligne Didier Jammes. C’est concrètement impossible mais c’est une partie de la solution." Le 2e axe du projet, Fermes Bio Climat, s’intéresse à la résilience des fermes : optimisation de la gestion des intrants, économies d’énergie... Enfin, Territoires Bio Climat, le 3e et dernier axe, est pour sa part consacré à la production d’énergie renouvelable et à l’alimentation durable à l’échelle des EPCI.
Pour accompagner les agriculteurs et les collectivités dans ces expérimentations, la FNAB procède par étapes. Elle propose notamment des formations de mise à niveau et de montée en compétences, la réalisation d’un état des lieux (analyse de sols, bilan carbone de la ferme, diagnostic de territoire sur les aspects énergie…) et des visites de terrain en compagnie d’experts. Ces journées invitent agriculteurs - bio ou non -, élus, chargés de mission et techniciens de collectivités à co-construire des propositions d’actions. À terme, les partenaires partageront les résultats des actions menées sous la forme de descriptifs méthodologiques, de fiches synthétiques ou de guides pratiques afin "d’encourager les fermes et les collectivités à s’approprier et à démultiplier les pratiques favorables".
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"Couvrir les sols de plantes pour capter les gaz à effet de serre"par Karim Riman, consultant en agro-écologie |
"Les études récentes de l'INRA ont démontré qu’un stockage additionnel d’au moins 4 pour 1000 de carbone par an dans toutes les terres agricoles du monde permettrait d’absorber le dioxyde de carbone (gaz à effet de serre) et de limiter le réchauffement climatique. Comment y parvenir ? En laissant le moins possible la terre nue. Plusieurs solutions existent : couvrir les sols avec des plantes, créer des prairies temporaires, pratiquer l’agroforesterie…
Pour tester ces différentes techniques, nous avons sélectionné les grandes cultures réputées pauvres en matière organique et qui offrent une large marge de manoeuvre. Nous travaillons sur la biomasse microbienne active des sols (bactéries, champignons), le cycle du phosphore, de l’azote, du carbone, etc. L’objectif est de démontrer qu’au bout de 3 ans - ce qui est très court pour un projet aussi ambitieux -, le stockage de carbone aura évolué. En 2021, nous mesurerons la hauteur et la masse des végétaux pour calculer la quantité de carbone stockée.
Notre ambition est aussi de faire connaître notre action pour atténuer les effets du changement climatique. Nous la présentons donc lors de visites de parcelles en présence d’agriculteurs, d’animateurs de structures, d’élus, de techniciens…"
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"J’ai pris conscience qu’il fallait faire différemment"par Pierre Albouy, agriculteur céréalier à Forcalquier (04) |
"Je n’ai pas la prétention de vouloir changer le monde, je veux simplement être en phase avec mon niveau d’information et de lecture du monde, notamment par rapport au réchauffement climatique. C’est pourquoi j'ai choisi en 2013 de devenir agriculteur en bio. En 2019, j’ai eu l'opportunité de rejoindre le projet "Mobilisation d'un réseau d'acteurs pour accompagner la transition climatique". Avec Didier Jammes et Karim Riman, notre objectif est de stocker du carbone supplémentaire (+ 4 pour 1000 par an) dans les sols. Ce ne sont pas quelques hectares qui vont sauver la planète mais il faut des zones pilotes pour montrer qu’il est possible de remettre du carbone dans les sols.
En France, 90% des surfaces agricoles sont exploitées en agriculture dite conventionnelle. Les sols sont très dégradés par cette exploitation intensive. J’ai repris des parcelles qui sortent elles aussi de la chimie. Toutes les formes de vies du sol (micro-organismes, les champignons, les systèmes racinaires) ont été globalement détruites ou réduites par les pesticides précédemment utilisés. L’objectif est de permettre aux organismes vivants de revenir dans ces sols, notamment en y remettant du carbone.
Nous avons mis en place des couverts d’interculture et de la réincorporation de matières organiques dans les sols par la destruction mécanique de ces couverts. Après un prélèvement et une analyse des sols, nous avons choisi le pourcentage de répartition des graines entre espèces. Nous avons sélectionné une légumineuse annuelle (Vicia Ervilia), de l’avoine et du radis pour optimiser la quantité de matière organique produite. Nous en sommes à la phase initiale de ce projet qui va durer au minimum 3 ans mais nous comptons obtenir des résultats probants."