Première foncière solidaire rurale, Villages Vivants achète, rénove et loue des boutiques avec l’objectif de recréer du lien et de redonner vie aux villages. Depuis juillet 2018, la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) a ouvert trois lieux dans la région Auvergne-Rhône-Alpes et entend se développer dans les territoires ruraux.
C’est une initiative qui fait parler. Télématin, 20h le mag, Carnets de campagne, La Croix, entre autres, lui ont consacré un reportage. Cette initiative, c’est Villages Vivants, une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), créée en juillet 2018 à Crest, dans la Drôme. Cette foncière solidaire rurale est née de deux constats : « Le premier est un constat négatif, lié aux disparitions de commerces et de services dans les petites villes, les villages et les centres-bourgs. Nous avons tous des exemples en tête de villages qui n’ont plus de commerces », explique Raphaël Boutin-Kuhlmann, cofondateur de la SCIC avec Sylvain Dumas. En France, c’est à peu près un village sur deux qui n’aurait plus de commerce. « À côté de ça, nous avons vu pleins d’initiatives foisonner dans les territoires ruraux : tiers-lieux, cafés associatifs, librairies, micro-crèches… Des lieux nouveaux, soit dans leur offre, soit dans leur structuration, qui ont très souvent en commun d’être portés par les habitants et qui arrivent à rouvrir là où le commerce traditionnel est parti ou a subi la concurrence », poursuit-il. Ils ont alors vu là un potentiel pour redévelopper le territoire.
Mais les fondateurs se sont vite aperçus que ces initiatives butaient souvent sur la question de l’investissement immobilier. Le principe de Villages Vivants est donc simple : acheter, rénover et louer des locaux à des porteurs de projet afin qu’ils puissent installer leurs activités dans des zones qui en ont besoin. L’objectif étant de lutter contre la désertification rurale, recréer du lien, rouvrir des lieux de vivre ensemble, recréer de la vie et de l’animation dans les centres-bourgs. « Aujourd’hui, quand les villages perdent leurs commerces, quand les centres-villes se vident, ce sont des lieux d’échanges et de rencontres qui disparaissent. C’est pourtant l’un des liens fondamentaux de la vie rurale. Si l’on perd ces lieux-là, on perd de la cohésion », affirme Raphaël Boutin-Kuhlmann, le responsable du pôle urbanisme et immobilier coopératif.
Un processus d’instruction bien défini
Pour choisir les projets, Raphaël Boutin-Kuhlmann et son équipe ont un processus d’instruction bien défini. Il peut durer deux mois ou beaucoup plus selon la maturité du projet présenté. « Au départ, un porteur de projet ou une collectivité vient vers nous en nous disant qu’il a un local et un projet. Nous rentrons alors dans une phase d’instruction. Nous étudions le territoire, l’impact, nous regardons l’état du bien, le montant des travaux à effectuer, quels sont les risques… Nous étudions aussi le projet, sa solidité, s’il est accompagné par d’autres structures… », commente le cogérant de Villages Vivants. Ensuite, c’est un comité d’engagement composé d’experts qui se prononce sur les projets.
Une fois le projet validé, le porteur est accompagné afin de définir un programme de travaux en fonction de ses besoins puis une franchise de loyer est instaurée. « Nous appliquons un loyer progressif sur les trois premières années qui correspond à un an de gratuité étalé sur trois ans. Le principe est que le porteur de projet puisse lancer tranquillement son activité. » Il est ensuite aidé sur ses besoins d’accompagnement, sur sa stratégie commerciale, son management d’équipe, son modèle économique ou la diversification d’activités.
Cet accompagnement des porteurs dans le temps fait partie du projet social de Villages Vivants : « Le projet ce n’est pas d’acheter des boutiques, c’est de rouvrir des lieux porteurs de sens de façon pérenne sur le territoire. Donc nous avons tout intérêt à ce que ces lieux fonctionnent. Si une boutique se casse la figure au bout de six mois, pour nous c’est un échec », indique Raphaël Boutin-Kuhlmann.
Une foncière « citoyenne solidaire au modèle hybride » Pour fonctionner, cette société coopérative repose sur un « modèle hybride ». « Une partie de nos ressources provient de la vente de prestations, quand nous accompagnons les collectivités ou des porteurs de projets par exemple. » Les loyers viennent aussi équilibrer les comptes de Villages Vivants. En ce qui concerne le financement de l’immobilier, la SCIC organise des levées de fonds auprès des banques, d’investisseurs institutionnels mais aussi auprès des habitants. « Nous nous définissons comme une foncière citoyenne solidaire mais nous proposons aux habitants de placer une partie de leur épargne à Villages Vivants et de voir concrètement qu’ils ont contribué à rouvrir tel café, telle librairie… Ce n’est pas du don, c’est un investissement. » Sur la première année, la société a ainsi réussi à lever presque un million d’euros et à acquérir trois lieux. « Nous avons participé à l’ouverture de la librairie coopérative de Trévoux. Nous avons fait la même chose en Ardèche, avec l’auberge de Boffres, qui est un café, épicerie et point Poste. Nous avons aussi racheté une boutique à Crest où sont actuellement nos bureaux. » D’autres projets sont en cours et une nouvelle levée de fonds de 1,8 millions d’euros devrait avoir lieu afin de pouvoir acquérir six nouvelles boutiques. Si, pour le moment, sa zone d’action se situe en Auvergne Rhône-Alpes et nord PACA, la SCIC pourrait se développer dans les années à venir. « En tant que foncière, notre équilibre économique ne se fait pas avec quelques boutiques. Nous devons grandir et avons déjà des demandes en Bretagne, dans le Gers, dans l’Aube… » |
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Rendez-vous au forum des ruralités engagées Villages Vivants organise, le mercredi 3 juin 2020 de 9h30 à 17h, au palais des congrès Sud Rhône-Alpes à Châteauneuf-sur-Isère, en collaboration avec l’Avise et le RTES, le forum des ruralités engagées, dont le thème est l’innovation sociale et l’économie sociale et solidaire au service de territoire. « L’idée est de montrer que les paradigmes du développement local sont en train de changer et que l’économie sociale est une vraie chance pour les territoires et peut contribuer à recréer des choses », explique Raphaël-Boutin Kuhlmann. Gratuit sur réservation. |
Réseau rural français - Kogito