Le 24 mars dernier, la CIAP Pays de la Loire a organisé le dernier rendez-vous du projet MCDR Happyterr : Alliances paysannes innovantes et territoriales pour réussir le renouvellement du milieu agricole. Retour sur cette journée et témoignages.
Le séminaire de clôture d’Happyterr s’est déroulé le 24 mars à Nantes.
« L’objectif d’Happyterr est de former les futurs candidats, en particulier les personnes non issues du milieu agricole (NIMA), à l’installation agricole, de les accompagner à recréer autour d’eux les solidarités nécessaires à la pérennité de leur installation et à lever leurs freins : l’accès au foncier et aux financements, la construction de circuits de commercialisation… », résumait Pauline Latapie, directrice de la CIAP Pays de la Loire, le 24 mars dernier en introduction du séminaire de clôture d’Happyterr. Dernier grand rendez-vous de ce projet porté par la Coopérative d’Installation en Agriculture Paysanne (CIAP) Pays de la Loire, l’événement s’est déroulé à Nantes, dans l’ancienne manufacture des tabacs, en présence d’une cinquantaine d’accompagnateurs en installation agricole et des partenaires* qui ont œuvré pendant 4 ans au projet. Deux temps forts ont marqué le séminaire de clôture : le matin, un bilan sur les dispositifs d’accompagnement de porteurs de projet en installation agricole développés dans le cadre d’Happyterr et, l’après-midi, des échanges animés sur les SCOP en agriculture.
Après une présentation des premiers résultats de l'observatoire des installations Hors cadre familiale (HCF) - un outil destiné à préciser les besoins et les freins à l’installation des porteurs de projets – la matinée s’est poursuivie par des retours d’expérience sur la formation Paysan créatif, les espaces tests en maraîchage et en élevage et le portage temporaire d’activité. Développés par la CIAP Pays de la Loire et ses partenaires, essaimés dans tout le Grand Ouest pendant Happyterr, ces trois outils ont un objectif commun : sécuriser les parcours des porteurs de projet, en particulier les NIMA.
Lors de son intervention, Kattalin Sainte-Marie, en charge d’un espace-test pour l’association Trebatu dans le Pays Basque, explique : « Les espaces-test permettent aux porteurs de projet de se confronter à la réalité du métier, de mettre en pratique leurs compétences ou de de commencer à acquérir du matériel ou un cheptel. C’est aussi l’opportunité de recueillir des premières références technico-économiques mais aussi de gagner une légitimité auprès des pairs du territoire. »
Des bénéfices que l’on retrouve aussi avec le portage temporaire d’activité** : « Les NIMA n’ont pas de solidarité familiale sur laquelle s’appuyer pour accéder au foncier, à des financements ou à des moyens de production (fourrage, aménagement de bâtis, serres, cheptels…). Le portage d’activité permet d’obtenir plus facilement ces éléments et aussi de tester la production sur site, d’identifier les débouchés et circuits de distribution et d’éprouver le dimensionnement économique de l'exploitation » souligne Etienne Michel, de la CIAP Pays de le Loire.
Dernier outil détaillé : la formation Paysan Créatif, une formation à l’entrepreneuriat agricole d’un an qui mêle stages, formations collectives et suivi individuel. Elle invite également les stagiaires à se créer un groupe d’appui local (GALO), un collectif de personnes destiné à conseiller et soutenir le porteur de projet dans son parcours. « Le GALO est un outil puissant d’inclusion et d’intégration territoriale. Il permet de gagner du temps mais aussi en confiance et en légitimité » assure Sandra Bernardini de la CIAP 35. Aujourd’hui, les compétences de la formation Paysan Créatif sont reconnues par France Compétences et permettent d’obtenir la certification des compétences professionnelles « Entreprendre en agriculture paysanne ».
La matinée s’est conclue par des ateliers de groupe destinés à faire émerger des pistes de travail pour l’avenir. Les participants ont ainsi proposé d’accompagner davantage les moins diplômés et les publics fragiles, d’organiser une veille sur le foncier, de mettre en place des VAE après un espace-test ou encore de développer le lobbying auprès des pouvoirs publics.
Après une pause déjeuner, l’après-midi s’est concentré autour d’un sujet d’importance : les nouveaux rapports au capital, au travail et à la protection sociale et les SCOP agricoles. « Le modèle d’installation classique - par capitalisation, avec un endettement fort, sans bonne couverture sociale ni possibilité d’avoir du chômage – ne correspond pas aux aspirations des NIMA » résume Etienne Michel. Autre alerte pointée par Emmanuel Marie, secrétaire national à la Confédération paysanne : « Nous arrivons à un point de non-retour : si on capitalise depuis de nombreuses générations, même les héritiers ne peuvent plus assumer la reprise des exploitations. Le modèle capitalistique ne pourra en aucun cas résoudre la problématique du renouvellement des générations agricoles. »
Pour beaucoup de participants la solution est le développement d’un véritable statut SCOP en agriculture. La CIAP participe ainsi à un groupe de travail de la Confédération paysanne sur le sujet qui s’articule autour de 2 axes : un travail multi-partenarial, notamment avec la CGSCOP, de réflexion et de formulation de revendications pour reconnaître un régime SCOP adapté aux caractéristiques de l’activité agricole ; et le déploiement d’une formation de sensibilisation à destination des candidats à l’installation et des actifs/cédants.
En conclusion de cette journée, Patrick Barron, Directeur général délégué à la CIAP Pays de la Loire, félicite le travail accompli depuis 5 ans : « 800 stagiaires paysans créatifs formés et près de 65% d’installation à la sortie, 90% d’installation à la sortie du portage d’activité, 70% de nos porteurs de projet qui demandent la Dotation Jeune Agriculteur (DJA) et 95% d’entre eux qui sont sûrs d’être encore là dans 10 ans : nous avons été efficaces. »
* Les CIAP 22, 29, 49, 50, 53, 72, 85, CIAP Centre-Val de Loire, CIAP Champs du partage, ARDEAR Pays de la Loire, ARDEAR Normandie, ARAP, Trebatu, ESA d'Angers et le réseau RENETA
** La CIAP est une coopérative d'activité et d’emploi (CAE), elle peut proposer un hébergement juridique, comptable et administratif de l'activité agricole naissante.
« Happyterr a permis aux forces vives de différents territoires de monter en puissance ensemble »
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« Le projet MCDR a permis de prendre le temps d’échanger sur nos pratiques »
« Ce séminaire est l’occasion de rencontrer les partenaires du projet MCDR et d’échanger autour de nos thématiques de travail communes à nos territoires. Je suis également venue raconter l’appui que nous a apporté la CIAP des Pays de la Loire pour mettre en place sur notre territoire la formation Paysan créatif et le portage d’activité temporaire. Sans l’aide de la CIAP des Pays de la Loire, mettre en œuvre ces dispositifs aurait été beaucoup plus long : ils ont partagé tous leurs documents ainsi que leurs argumentaires pour convaincre les financeurs et les collectivités, le contenu de la formation nous n’avons pas eu à écrire… L’accès aux financements a aussi été beaucoup plus simple : les banques et les assurances n’ont eu qu’à appeler leurs collègues de Loire-Atlantique Vendée pour voir que ces outils fonctionnaient. Le projet MCDR a donc été essentiel. Il nous a également permis de prendre le temps d’échanger sur nos pratiques. Pour l’avenir, je pense que nous devons travailler sur le sujet de la reprise des grandes fermes laitières. Elles sont devenues tellement importantes qu’elles sont trop chères et ne correspondent plus aux aspirations des porteurs de projet. Nous devons faire un travail avec les cédants et les porteurs de projet pour imaginer comment réorganiser ces exploitations. » |
« Pour réussir le renouvellement des générations nous devons soutenir toutes les personnes qui ont l’idée de rejoindre le milieu agricole »
« Les Fermes Partagées est une toute jeune coopérative d'activité et d'emploi (CAE) d’Auvergne-Rhône-Alpes sous forme de SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif). Nous poursuivons un double objectif : permettre à des personnes de déployer leur activité au sein de notre CAE ; et encourager le développement de fermes collectives notamment sous le statut de SCOP agricole. Nous pensons que le déploiement du statut SCOP en agriculture permet de répondre aux aspirations des nouveaux porteurs de projet et donc à la problématique du renouvellement des générations. L’enjeu de l’accompagnement est pour nous central : je suis convaincue qu’avoir un entourage et des ressources autour de soi est l’une des clés de réussite des installations. Dans ce sens, nous avons fait le choix, fort, d’accompagner les fermes de notre réseau toute leur vie et pas uniquement au moment de l’installation. Pour réussir le renouvellement des générations, nous devons soutenir toutes les personnes qui ont l’idée de rejoindre le milieu agricole. Des journées comme celle-ci et les projets de coopération sont important car les réponses doivent être multiples et les réseaux doivent coopérer de manière durable sur le processus complexe qu’est la transmission-installation.» |
« On peut être chef d’exploitation et pour autant avoir une protection sociale digne de ce nom »
« Paysan-boulanger sur 23 hectares, je suis installé en tant que non-salarié agricole en fermage. Avant, j’ai été associé-salarié dans une SCOP : j’ai fait le parcours inverse de celui que je défends aujourd’hui. J’ai une salariée mais j’espère lui donner envie de s’associer avec moi. La question est : en GAEC ou directement en SCOP ? Je fais partie du groupe de travail de la Confédération paysanne sur les SCOP. Ce statut est une réponse pour maintenir un modèle agricole de petites unités et lutter contre la financiarisation de l’agriculture. Il peut permettre aux NIMA de s’installer sans un endettement lourd tout en leur permettant, ainsi qu'aux cédants, un rapport non marchand au capital. Il offre enfin un régime social plus protecteur que celui du statut de non-salarié agricole. Le statut SCOP interroge car il souligne la différence de traitement entre non salarié-agricole et salarié agricole en matière de protection sociale, de droit au chômage ou à une bonne retraite. Avec la SCOP, ce que nous disons, c’est qu’on peut s’installer, être indépendant, chef d’exploitation et pour autant avoir une protection sociale digne de ce nom. » |
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Réseau rural français - Kogito