Les AKIS sont destinés à favoriser les collaborations et les échanges de connaissances entre la recherche, l’enseignement et les acteurs de terrain. Définition et précisions en cinq points avec Sylvain Sturel, chargé des projets européens au service innovation, développement et pratiques agricoles à Chambres d’Agriculture France (APCA).
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Que signifie AKIS ?Sylvain Sturel : AKIS est l’acronyme d’Agricultural Knowledge and Innovation Systems. Ce concept, apparu en 2008, est au cœur du Partenariat Européen pour l’Innovation pour une agriculture productive et durable (PEI-AGRI). Un AKIS est un écosystème qui rassemble l’ensemble des acteurs de l’enseignement, de la recherche et du développement dans les secteurs agricole et forestier afin de produire et d'échanger entre eux des informations et des connaissances. Il existe des AKIS à plusieurs échelles. « En France par exemple il y a un AKIS national mais aussi des AKIS régionaux et départementaux. L’INRAE, dans le projet AgriLink, a même développé le concept de micro-AKIS : les agriculteurs et leur environnement immédiat » indique Sylvain Sturel, chargé des projets européens au service innovation, développement et pratiques agricoles à l’APCA et coordinateur de i2connect, un projet Horizon 2020 qui a notamment produit des études sur les AKIS de 27 pays européens. L’intérêt pour le concept est né d’un triple constat : « Le temps de transmission des résultats de la recherche vers les agriculteurs et les forestiers est souvent très long, ces travaux ne tiennent pas toujours compte des savoirs et des innovations développés localement et les résultats ne correspondent pas toujours aux attentes et besoins des acteurs de terrain. ». |
Les AKIS doivent avoir pour objectif de favoriser les collaborations et les échanges de connaissances entre la recherche, l’enseignement et les acteurs de terrain. « L’idée est de remettre les destinataires finaux au centre de l’écosystème : trop longtemps les besoins et connaissances des agriculteurs et forestiers – dont beaucoup sont des innovateurs - n’ont pas été pris en compte » explique l’expert. Pour la Commission européenne, les AKIS représentent également un outil important dans l’ambition de « faire progresser la recherche, le partage des connaissances et l'innovation afin de garantir un secteur agricole intelligent et durable ». « Les AKIS doivent aider les agriculteurs à trouver des solutions et à s’adapter à de nombreuses situations urgentes et complexes liées à la grande variabilité du climat, à la volatilité des prix du marché, aux normes environnementales exigeantes, aux attentes sociétales fortes… » développe Sylvain Sturel.
"Aider les agriculteurs à s’adapter à de nombreuses situations urgentes et complexes" |
En France, les acteurs impliqués sont nombreux : agriculteurs, forestiers et leurs organisations professionnelles, organismes de développement agricole et rural (Chambres d’agriculture, centres de gestion ou organismes nationaux à vocation agricole et rurale), organismes économiques (coopératives et entreprises privées), instituts de recherche (INRAE, CIRAD, IRD…), instituts techniques agricoles et leurs stations expérimentales (ARVALIS, CTIFL, IDELE…), établissements d’enseignement supérieur et d’enseignement technique agricole…
Ils collaborent dans le cadre de programmes structurants, notamment le Programme national de développement agricole et rural (PNDAR), de réseaux nationaux tels que les Groupements d’intérêt scientifique (GIS), les Réseaux Mixtes Technologiques (RMT), le réseau DEPHY, ou à une échelle régionale ou locale, notamment au sein de Groupes opérationnels (GO) ou de Groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE). Les partenaires capitalisent leurs résultats sur des plateformes comme EcophytoPIC et R&D Agri. « Les AKIS français sont bien structurés et font figure de référence en Europe. Cela fait par exemple 15 ans que les RMT valorisent des résultats de recherche et contribuent au partage et à la diffusion des connaissances » souligne Sylvain Sturel.
Diagramme AKIS France
Source : projet i2connect (2021), basé sur le rapport AKIS France du projet PRO-AKIS (2014)
Pour la prochaine PAC, la Commission européenne entend « constituer des AKIS plus solides pour stimuler le développement de projets d'innovation, diffuser leurs résultats et encourager leur utilisation aussi largement que possible ». Dans cet objectif, elle a notamment lancé un appel à projets « Améliorer l'organisation nationale AKIS dans un processus co-créatif à travers l'Union européenne » dans le cadre duquel un consortium nommé Modern AKIS, coordonné par la Chambre d’Agriculture d’Autriche et associant notamment l’APCA et la Chambre régionale d’Agriculture d’Occitanie, a été sélectionné. « En France, l’un des enjeux est de mobiliser davantage les différentes mesures de la PAC visant à encourager l’innovation interactive et la transition des systèmes agricoles et forestiers, notamment les mesures "services de conseil agricole", "échanges de connaissances", "coopération" (groupes opérationnels) et "réseaux PAC". Ces différentes mesures font appel à des conseillers agricoles et forestiers, qui ont un rôle d’intermédiaire entre la recherche appliquée et le terrain et sont reconnus par la Commission européenne comme des "acteurs clés" des AKIS. Avec Modern AKIS, qui devrait démarrer à l'été 2022, nous souhaitons notamment organiser des ateliers visant à partager et développer des solutions avec les futures autorités de coordination régionale et nationale des AKIS et créer des réseaux d’échanges à l’échelle européenne entre conseillers sur des sujets comme l’animation des processus d’innovation interactive, autrement dit : comment aider des groupes multi-acteurs à co-construire des solutions répondant aux défis locaux ? »
Réseau rural français - Kogito