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Lancé en juillet 2017, ce groupe de travail sur les « Smart villages », ou « Villages intelligents », s'inscrivait dans le cadre de la réflexion de l'ENRD autour des « Zones rurales intelligentes et compétitives ». Son objectif était de mettre en évidence les outils, méthodes de travail et démarches spécifiques au déploiement des « Smart villages ». Avec 60 participants venus de 19 pays européens, nous avons ainsi étudié un grand nombre de projets menés par des acteurs locaux qui améliorent les services ruraux grâce au déploiement d’outils de travail collaboratif et de nombreuses démarches innovantes. |
Quels projets emblématiques retenez-vous ?Parmi la vingtaine de projets récemment émergés dans toutes les régions françaises, nous pouvons citer les lauréats du prix « Smart village » du forum RuraliTIC, portés par les communes d’Arvieu (12), d’Ayen (19) ou encore d’Ottmarsheim (68). Village de 800 habitants, Arvieu a accueilli en 1998 une entreprise de création multimédia portée par de jeunes entrepreneurs. Leur arrivée a été le point de départ du développement d'un écosystème riche avec une cyber-base, une médiathèque, une Maison de Services Aux Publics (MSAP) et, depuis septembre 2019, un « tiers-lieu villageois » : le Jardin d'Arvieu. Le même genre d'intelligence collective a valu à Ayen de recevoir ce prix en 2018. Depuis 2014, citoyens et élus y ont notamment développé un service de covoiturage, « EcoSyst’M » - qui fonctionne avec une monnaie locale - ainsi qu’une médiathèque, un site collaboratif de troc ou de vente d'objets... Prix « Smart village » 2019, Ottmarsheim a été récompensé pour sa stratégie digitale autour de 50 initiatives (wifi public gratuit, application mobile pour communiquer auprès des citoyens, formations à l'utilisation d'une tablette pour les seniors...). Et n'oublions pas Lormes. La commune a par exemple racheté les maisons du centre-bourg pour transformer leur rez-de-chaussée en locaux commerciaux avec des baux attractifs. Elle avait créé dès 2005 un centre de télétravail qui est devenu un véritable tiers-lieu avec fablab, salle de visio-conférence, haut débit, etc. Et une grande part de projets est consacrée aux arts graphiques, ce qui illustre bien la créativité des acteurs locaux. |
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Nous constatons d'abord qu'il y a deux grands principes pour qu'un projet « Smart village » fonctionne. Le premier : la dimension humaine est capitale. Il n'est pas possible de faire du smart si la population ne s'empare pas du sujet. Il faut ensuite un équilibre entre les démarches descendantes, provenant de l’État et de la Commission européenne, et ascendantes qui reflètent les spécificités des territoires, la volonté des acteurs ainsi que la nature et même l'histoire d'une communauté. Une démarche ascendante seule est souvent attractive mais a du mal à trouver ses marques, notamment économiques. À l’inverse, une politique topdown trop rigide ne va pas trouver un ancrage territorial. Ensuite, il y a également trois règles à respecter. D'abord, il est nécessaire pour un territoire d'élaborer une stratégie : que voulons-nous faire de notre territoire, de nos ressources, de notre avenir, de notre potentiel ? Il faut aussi être dans l'opérationnel, ne pas s’arc-bouter sur une finalité qui pourrait être trop ambitieuse, mais partir de projets concrets et des contraintes de terrain. Enfin, les acteurs doivent mutualiser davantage leurs moyens : nous devons créer des standards numériques communs, de l'interopérabilité entre les briques numériques et faire des diagnostics partagés afin de pouvoir comparer les outils d'un territoire à l'autre, rédiger des cahiers des charges uniques pour des solutions génériques ou encore créer des groupements d'achats pour peser face aux prestataires de service, ce qui aura aussi pour effet de développer ces marchés.
Le chantier principal est d'éclaircir les choses : qu’entend-on exactement par smart ? Quelle est la nature des enjeux du développement des villages intelligents ? De quels moyens disposons-nous ? La faiblesse de ces moyens nécessite de mutualiser les efforts, et il faudrait plutôt parler de « partage intelligent de solutions intelligentes ». L'intelligence doit en effet être visible en termes de services opérationnels proposant une expérience usager réussie. Pour réussir le smart, un autre chantier d'importance porte sur la prochaine programmation de crédits européens : comment le FEADER sera-t-il mobilisé ? La réponse aura des conséquences importantes sur l'organisation des territoires ruraux et leur capacité à générer de l'attractivité. Dès maintenant, le développement des Smart villages peut s'appuyer sur les prestations des MSAP et des futures Maisons France Service, les projets conçus dans le cadre du programme national « Action Cœur de Ville », le soutien de l'État pour développer les tiers-lieux dans les territoires, le « Pass numérique » pour améliorer l'inclusion numérique ou encore le programme France Num à destination des entreprises. Ce développement peut aussi être accéléré et amélioré par le partage d’expériences entre les villages européens, ce qui est un des buts de l’ENRD, ainsi qu’à l’échelon national. À ce titre, il faut saluer la plate-forme créée par le Cerema pour faire connaître les initiatives locales : Villes et territoires intelligents.
Pour en savoir plus :
Comment intégrer les Smart villages dans les Fonds européens structurels et d'investissement ?
RuraliTic : penser l'avenir numérique des territoires ruraux