Expo’phyto est un projet de médiation autour des pesticides dans l’air lancé en 2018 par la DRAAF Occitanie. Il a consisté à auditer une centaine d’acteurs de trois territoires occitans (le Sicoval, le Pays Cœur d’Hérault et Perpignan agglomération) afin de mieux comprendre la nature des problèmes posés par l’exposition aérienne aux pesticides et de co-construire des démarches de prise en charge de ces problèmes. Précisions avec Bruno Lion, directeur adjoint à la DRAAF Occitanie.
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Quel regard portez-vous sur les phytosanitaires dans l’air ? Comment percevez-vous votre exposition ? Quels impacts ont selon vous ces produits ? Que faudrait-il faire pour limiter l’exposition ? Au début de l’année 2020, sur trois territoires d’Occitanie, une centaine d’agriculteurs, riverains de parcelles agricoles, élus, agents d’institutions publiques, médecins, chercheurs ou encore défenseurs de l’environnement ont répondu à ces questions dans le cadre d’audits commandés par la DRAAF Occitanie. Ces enquêtes de terrain étaient au cœur d’Expo’phyto, un projet de facilitation territoriale consacré à la problématique de l’exposition aux produits phytosanitaires dans l’air, « un sujet complexe, sensible et dont la réalité est mal documentée, estime Bruno Lion, directeur adjoint à la DRAAF Occitanie. Par ailleurs nous avons peu de données scientifiques*, et donc un cadre réglementaire moins normatif que celui sur l’eau ou l’alimentation. Ce contexte fait ressortir de vraies attentes de la société, qui questionnent l’action publique. C’est pour cela que nous avons souhaité prendre les devants et aller au contact des territoires. »
En 2018, la DRAAF lance ainsi Expo’phyto en partenariat avec la DREAL et l’ARS. Objectifs du projet : écouter et mobiliser les acteurs locaux pour mieux comprendre les réalités de l’exposition aérienne aux pesticides et co-construire des démarches de prise en charge en commun des problèmes. « C’est une posture encore rare pour des décideurs publiques de vouloir résoudre un problème avec les territoires dans un processus de discussion et de co-intelligence » souligne Bruno Lion. Financée par le plan Ecophyto II, cette démarche d’échanges et de médiation a également bénéficié du soutien du RRN au titre de l’activité 6 de son programme spécifique**.
La première étape du projet a consisté à identifier des territoires pilotes concernés par l'exposition aux phytosanitaires. Trois territoires, à l’économie agricole différente, ont été sélectionnés à la suite d’un travail cartographique : la communauté de communes du Sicoval avec beaucoup de grandes cultures ; le Pays Cœur d’Hérault, territoire viticole ; et Perpignan Agglomération où l’arboriculture domine. « À chaque fois nous avons eu un bon accueil, les collectivités territoriales ont trouvé le projet pertinent et sont devenues partenaires. Elles ont notamment aidé à définir les catégories de personnes à interroger. » Sur chaque territoire une trentaine de personnes (agriculteurs, élus, habitants, associations, agents publics, etc.) ont ensuite été auditées par l’Association patrimoniale internationale (API), prestataire spécialisée dans les audits dits « patrimoniaux », un processus d’écoute active qui consiste à interroger, individuellement, chaque acteur en tant qu’expert d’un problème. Libres et confidentiels, ces audits reposent sur une même grille d’analyse IDPA : « Identification de la problématique », « Diagnostic » des actions engagées pour répondre à la problématique, « Prospective » (les grandes tendances d’évolution possibles de la problématique) et « Propositions d’Actions ». « Cette méthode offre une analyse très fine de l’expression des acteurs et permet d’identifier ce qui est commun à chaque audité, ce qui fait divergence, les points de rapprochement possibles… » juge le directeur adjoint.
Au mois d’octobre et novembre 2020, dans chaque territoire, l’intégration des entretiens a été présentée aux audités. « Parmi les grands enseignements, on note par exemple qu’il y a un vrai enjeu d’objectivation des situations : quels sont les produits utilisés à côté de chez moi et leurs impacts ? L’incertitude est génératrice de perceptions négatives de la pulvérisation or tous les produits ne sont pas nécessairement dangereux. Les audits ont également souligné la méconnaissance du travail d’agriculteur, l’envie de la société d’une agriculture moins intensive ou encore le malaise des acteurs agricoles qui se sentent boucs émissaires d’un problème global. » À l’issu de la restitution une question a été posée : souhaitez-vous poursuivre les travaux ? « Les réponses ont été favorables : la nécessité d’agir a été reconnue par tous. » Prochaine étape d’Expo’phyto : l’organisation de cycles de séminaires sur chaque territoire à partir du mois de novembre. « Notre ambition est d’aboutir à des plans d’actions co-construits et portés par l’ensemble des acteurs des territoires pour réduire l’exposition aux produits phytopharmaceutiques par voie aérienne » confie Bruno Lion.
* L’Etat a lancé au mois de juillet 2021 un suivi annuel et national des pesticides dans l’air. Le projet est piloté par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) en partenariat avec les Associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA).
** « Développer des projets au niveau national et soutenir les actions interrégionales des RRR »
Réseau rural français - Kogito