Le 3 février, l’Association Nationale Nouvelles Ruralités et le collectif du Parlement rural français organisaient un webinaire sur le thème « L’Europe des mécontentements : entre mythes et réalités ». Animé par les interventions de cinq universitaires, le rendez-vous se tenait en présence de Joël Giraud, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et d’Apóstolos Tzitzikótas, président du Comité européen des régions. Synthèse des échanges.
« L’Europe des mécontentements » premier webinaire de « Ruralisons l’Europe ! » organisé le 3 février par l’Association nationale Nouvelles Ruralités et le collectif du Parlement rural français en présence (de gauche à droite) des sénateurs Jean-Jacques Lozach, Bernard Delcros et Patrice Joly, de Joël Giraud, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, et de Jean-Yves Vif, rédacteur en chef de La Montagne Entreprendre.
Éloignement de l’emploi, fracture sociale et numérique, accès difficile aux services et à la santé : les territoires ruraux font face à de nombreux défis. Parfois accentuées par les crises (de 2008 puis celle de la Covid) et par les transitions – écologique, technologique, organisationnelle et économique – en cours, ces difficultés sont-elles à l’origine des mécontentements exprimés ces dernières années dans les différents pays européens ? Existe-il une corrélation entre territoire rural fragile et mécontentement ? Ces grandes questions ont constitué le point de départ du premier webinaire de la manifestation « Ruralisons l’Europe ! » sur le thème « L’Europe des mécontentements : entre mythes et réalités ». Organisé le 3 février par l’Association nationale Nouvelles Ruralités et le collectif du Parlement rural français, le rendez-vous s’est tenu en présence de Joël Giraud, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, d’Apóstolos Tzitzikótas, président du Comité européen des régions, et des sénateurs Jean-Jacques Lozach, Bernard Delcros et Patrice Joly. Prochain rendez-vous à noter dès à présent dans les agendas : le 16 mars pour un webinaire consacré à un enjeu majeur, l’accès aux services dans les territoires ruraux.
Objectif du webinaire : établir un état des lieux des ruralités européennes et nourrir l’Agenda rural européen. « Notre ambition est de profiter de la présidence française de l‘Union européenne pour porter un véritable Agenda rural européen, indispensable pour répondre aux enjeux des territoires ruraux, et pour renforcer la présence de la ruralité dans le débat public » explique en introduction Patrice Joly, président de l’Association Nationale Nouvelles Ruralités et sénateur, porteur devant le Sénat de la résolution (adoptée le 4 novembre 2021) demandant la mise en place d’un "Agenda rural européen". Le rendez-vous a été animé par les interventions de cinq universitaires : Laurent Rieutort, géographe (Université Blaise-Pascal - Clermont-Ferrand), Dimitris Gousios, enseignant-chercheur en développement et aménagement de l'espace rural (Université de Thessalie-Volos – Grèce), Samuel Depraz, directeur de la recherche au laboratoire ESPI2R (École supérieure des professions immobilières), Benoit Coquard, sociologue (INRAE – Laboratoire CESAER) et Veit Bachmann, professeur de géographie (Université Goethe – Francfort).
Premiers intervenants du webinaire, Laurent Rieutort et Dimitris Gousios ont partagé les grands enjeux qu’ils perçoivent pour le devenir des ruralités. Laurent Rieutort note par exemple la nécessaire reconnaissance des réalités, parfois très différentes, des ruralités : « Il y a des dynamiques démographiques, sociales, économiques très contrastées avec des territoires très vivants, des arrière-pays attractifs et des zones rurales en développement. » Dimitris Gousios a pour sa part souligné la nécessité de sortir d’une « logique compensatrice, basée sur les subventions et génératrice de passivité, pour un développement rural basé sur les ressources des territoires ». Les deux experts se sont accordés sur l’importance de l’ingénierie territoriale pour « mettre en valeur le savoir des territoires ruraux » et saluent l’exemple de la France avec le programme Petites villes de demain.
Samuel Depraz est ensuite entré dans le vif du sujet : « Les fragilités rurales qui persistent sont sans adéquation directe avec le mécontentement. » À travers une approche culturelle de la notion de ruralité, il a livré plusieurs clés de lecture aux mécontentements : les « variations de richesse » qui « créent un changement de situation et une insécurité économique » ; les dépenses contraintes, c’est-à-dire l’augmentation des frais fixes des ménages (prêts, assurances, carburant…), « une cause souvent ignorée par les pouvoirs publics » ; « des spécificités locales plus régionales que rurales » liées à l’histoire, la culture, etc. ; ou encore le tissu social, « plus il y a une cohésion sociale forte sur un territoire moins le vote extrême réussi à s’implanter ». Un discours qui a fait écho au témoignage de Benoit Coquard, auteur de Ceux qui restent : faire sa vie dans les campagnes en déclin. Enfin, Veit Bachmann, a détaillé un autre facteur d’explication aux mécontentements : la contradiction entre les valeurs de l’Union européenne – droits humains, bonne gouvernance, lutte contre la discrimination, développement durable, cohésion économique, sociale et territoriale – et la logique capitaliste qui aggrave les inégalités et accentue la fracture urbain-rural.
Par Joël GIRAUD, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales.
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« Il faut aller au-delà des politiques trop centrées sur les métropoles au motif de leur dynamisme qui, parfois, repose sur un pied social d’argile. Il faut apporter des réponses aux territoires ruraux, leur offrir des opportunités concrètes en mettant en avant leurs atouts. Nous ne voulons pas des solutions descendantes mais des réponses "cousues main" en proposant aux territoires de l’ingénierie pour qu’ils déterminent leurs propres réponses à leur développement. C’est par exemple l’objectif du programme Petites villes de demain. Nous devons effectuer ce travail en intelligence avec les territoires : les politiques territoriales sont notre meilleure arme face à cette Europe du mécontentement. Nous croyons aux territoires et aux ruralités et nous souhaitons entraîner l’Union dans cette dynamique où les ruralités sont porteuses de solutions. » |
Par Apóstolos Tzitzikótas, président du Comité européen des régions
« La menace de la Covid a nourri une plus forte confiance dans l’Union qui a montré sa valeur ajoutée dans sa détermination à garantir le droit à la santé. Mais les effets économiques et sociaux de la crise n’ont pas été les mêmes partout : les territoires ruraux ont souffert. Si on ne fait rien, nous détruirons la confiance dans notre projet commun. L’Europe n’est pas une vraie démocratie si elle n’est pas capable de prendre en compte les territoires ruraux. Nous saluons la vision rurale à long terme comme une étape cruciale pour le développement durable des zones rurales et pour une véritable cohésion sociale en Europe. Nous sommes convaincus que la reprise peut marquer un changement profond dans les rapports entre l’Union et ses zones rurales. Les collectivités territoriales jouent un rôle clé pour coordonner les interventions sur le terrain et ouvrir cette nouvelle phase de développement. » | ![]() |
Réseau rural français - Kogito