Face à la crise du Coronavirus, de nombreux agriculteurs se sont inquiétés de ne pas trouver suffisamment de saisonniers. Pour faire face à ce besoin de main d'œuvre, des plateformes de mise en relation entre citoyens volontaires et exploitants agricoles ont émergées. Parmi elles, Des bras pour ton assiette, qui a enregistré plus de 300 000 candidatures de salariés en chômage partiel, professionnels de la restauration, étudiants...
© Stéphane Grossin / Anefa
« Nous sortions d’une période où nous subissions plutôt l’agribashing donc avoir plus de 300 000 candidats, qui ne connaissent pas nos métiers, sont citadins pour la plupart et ont envie de nous aider sur les exploitations agricoles, sous forme de salariat, ça nous a évidemment fait chaud au cœur », se réjouit Mickaël Jacquemin, président de l’Association nationale pour l’emploi et la formation en agriculture (Anefa). Ces candidats, ce sont les citoyens inscrits sur la plateforme Des bras pour ton assiette et prêts à accorder du temps aux agriculteurs tout au long de cette crise sanitaire liée au Coronavirus.
Dans ce contexte particulier, recruter des saisonniers aurait pu s’avérer bien plus compliqué que les années précédentes. « Dès le démarrage, nous nous sommes inquiétés. Tous les ans, il y a des pénuries de main d’œuvre mais, cette année, il fallait y ajouter cette problématique sanitaire. Nous avions besoin de travailleurs pour les récoltes mais pas seulement, aussi pour les plantations, l’entretien, la conduite d'engins… » Avec la fermeture des frontières, les agriculteurs ne pouvaient pas non plus compter sur les salariés étrangers. L’Anefa, la FNSEA et Pôle emploi se sont donc réunis afin de trouver rapidement une solution pour répondre aux attentes des acteurs du monde agricole. De là est née Des bras pour ton assiette, une plateforme de mise en relation entre agriculteurs qui ont besoin de main d’œuvre et travailleurs disponibles pour « aider à subvenir aux besoins alimentaires de la population ». « Parmi les profils des candidats se trouvaient notamment de nombreux travailleurs au chômage partiel et des professionnels du tourisme et de la restauration : cuisiniers, serveurs… Sans oublier les demandeurs d’emploi et les étudiants, qui sont en mesure de travailler tout l’été », détaille Carole Meilleur, chargée de communication de WiziFarm, la start-up derrière Des bras pour ton assiette.
Plus de 300 000 candidats pour 14 000 employeurs
Des milliers de citoyens ont très vite répondu à l'appel à rejoindre « la grande armée de l’agriculture française » lancé le 24 mars par le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume. Au 28 avril, plus de 300 000 volontaires s’étaient inscrits sur Des bras pour ton assiette et 14 000 employeurs avaient proposé quelque 900 missions, notamment dans les secteurs de l’arboriculture, du maraîchage et de la viticulture. Comment expliquer un tel engouement ? « Je pense qu’il y a eu un élan de solidarité. Les gens se sont dit “l’agriculture a besoin de nous et elle nous concerne tous”. C’est aussi pour des raisons économiques car certains avaient une rémunération réduite du fait de la situation. D’autres ont vu une occasion de s’occuper, de vivre autre chose », estime Carole Meilleur.
« Je voulais aider un secteur qui me semblait important et intéressant »
© Stéphane Grossin / Anefa
Maxime Beuret fait partie de ces citoyens qui se sont investis auprès des agriculteurs. Peu avant le confinement, cet analyste-développeur a démissionné en vue de s'installer au Canada. Son projet étant repoussé, il a souhaité mettre son temps libre à profit. « Je voulais aider un secteur qui me semblait important et intéressant. J’aurais pu choisir la grande distribution mais je me suis tourné vers l’agriculture car, dans les champs, il me semblait plus facile de respecter la distanciation sociale et les règles sanitaires », justifie-t-il. Ce Schilikois de 30 ans s’est alors inscrit sur Des bras pour ton assiette et a été contacté par un exploitant agricole qui produit en grande partie du houblon, à 20 km de Strasbourg. Du 28 mars au 30 avril, deux tâches lui ont été confiées : « Le houblon est une plante grimpante donc il faut l’accrocher à des fils, qui font sept ou huit mètres de hauteur. Ce sont des champs avec des milliers de lignes, donc le premier travail était d’accrocher ces lignes au sol, via des piquets. Ensuite, une fois que le houblon a commencé à pousser, il fallait l’enrouler autour des fils. » Cette expérience dans les champs, Maxime s'en réjouit encore : « L’exploitant a été très pédagogue. J’ai appris tous les gestes et les connaissances techniques, le processus d’élaboration du houblon… Ça reste une super expérience. »
Un pic attendu au mois d’août
Au 11 mai, 15 000 contrats avaient été signés via Des bras pour ton assiette. « Il faut aussi compter les nombreuses candidatures spontanées auprès des agriculteurs, des éleveurs ou des maraîchers de proximité », commente Mickaël Jacquemin, le président de l'Anefa. Il explique également que des contrats ont été signés via des partenariats : « Avec son dispositif L’agriculture recrute, l'Anefa a généré 15 000 mises en relation et Pôle emploi a également initié des rapprochements directs. » « Tout cela a contribué à faire connaître les besoins récurrents de l’agriculture, souligne Carole Meilleur. Nous espérons que cette situation va révéler des vocations et de nouvelles solutions pour les prochaines années. » Mickaël Jacquemin précise par ailleurs que le pic de besoins en main d'œuvre est attendu pour le mois d’août. En effet, entre les mois de mars et mai, 45 000 contrats sont généralement signés, contre 150 000 entre juillet et septembre. Les exploitants vont avoir besoin d'aide, notamment pour l’entretien et le palissage dans les vignes ou pour la récolte des cerises, des abricots, des melons, des choux, des artichauts…
Témoignage de Marie Dubillot viticultrice à Chaudefonds-sur-Layon (49)
© EARL Rives du Layon
« Tous les ans nous rencontrons des difficultés pour trouver des saisonniers. Je recherchais une dizaine de personnes pour m'aider à l’épamprage, l’ébourgeonnage et le palissage. Des bras pour ton assiette était un réseau parmi d’autres pour élargir mon panel de recherches. J’ai commencé par là et ça s’est vite débloqué. J’aurais peut-être dû être un peu plus "exigeante" dans mes choix car j’ai eu quelques petites déceptions, mais rien de majeur. Certains saisonniers sont partis en cours de mission mais pas plus que les autres années. J'anticipe toujours un taux d’absentéisme car le travail est plus difficile que ce que les gens croient. De manière un peu caricaturale, certains pensent qu’ils vont faire une tâche qui sera intellectuellement très facile et qui leur permettra de faire un peu de sport tout en bronzant. Il y a donc quelques désillusions. Cette année, j’ai cependant eu des profils plus variés que d’habitude. C’est un point positif pour les conversations dans les vignes. Ça fait du bien à tout le monde d'échanger avec des gens d'horizons différents et de découvrir un nouveau milieu professionnel. »
Réseau rural Français - Kogito