Depuis près de 50 ans, l’Europe importe du soja pour subvenir aux besoins de l'alimentation des animaux d'élevage. En 2018, la Commission européenne a organisé une série d’ateliers d’experts afin de réduire cette dépendance. L’un d’eux se tenait à Chalon-sur-Saône autour de la structuration des filières des protéagineux et légumineuses comme les pois, les féveroles ou la luzerne.
« Dans les années 1970, l’Europe a fait le choix de se spécialiser dans les céréales et les productions animales. Elle a signé des accords commerciaux qui la rendent dépendante des plantes riches en protéines et du soja importé des Etats-Unis par exemple » explique Alexandre Martin, du bureau des grandes cultures, semences végétales et produits transformés de la DGPE au ministère de l’Agriculture et de l’alimentation. Bilan : l'UE importe chaque année environ 17 millions de tonnes de protéines brutes dont 13 millions à base de soja. « Le défi pour l'Europe est l’autonomie protéique, en particulier la relance des productions de légumineuses dont les vertus agronomiques, nutritionnelles et environnementales sont connues et dont les débouchés sont en pleine expansion. » Dans ce cadre, la Commission européenne s’est engagée à agir. En 2018, elle a organisé 4 ateliers d’experts. Le 1er se tenait à Bruxelles autour de la recherche et de l’innovation, le 2e en Roumanie sur les bénéfices environnementaux des légumineuses. Le 3e atelier en France sur la structuration de filières et le 4e aux Pays-Bas autour de la question des marchés.
C'est au Réseau rural que revenait l'organisation du 3e atelier qui se tenait en juillet 2018 à Chalon-sur-Saône, en partenariat avec la DG Agri et l’interprofession Terres Univia. Il était consacré à la structuration des filières pour les différents protéagineux et légumineuses : pois, féveroles, luzerne… « L’enjeu est que les agriculteurs diversifient les cultures dans leurs parcelles de colza, de maïs ou de blé et y insèrent des cultures de légumineuses. Mais pour cela il faut intervenir en aval et créer une filière pour qu’ils puissent les commercialiser » explique Alexandre Martin. Les protéines végétales produites en Europe ont un fort potentiel. Si 93% d’entre elles sont encore consacrées à l’alimentation animale, le marché se diversifie autour des aliments de qualité supérieure pour animaux et des denrées alimentaires. Ce dernier secteur connaît même une croissance à deux chiffres grâce au succès grandissant des substituts à la viande et aux produits laitiers.
L’atelier de Chalon-sur-Saône a réuni près de 50 experts européens, des organisations professionnelles et des entreprises. Après des échanges sur les besoins, les opportunités ou les innovations, les participants étaient conviés à des visites de terrain afin de découvrir une filière de soja locale structurée en Bourgogne : « Une exploitation agricole à Crissey, deux usines de transformation, Extrusel et Sanders, puis une rencontre avec la filière Comté qui s'approvisionne en soja non OGM local pour l'alimentation des vaches laitières. » Cet atelier et les 3 autres ont tous contribué à élaborer un rapport présenté fin novembre à Vienne par Phil Hogan, Commissaire européen à l'Agriculture et au Développement rural, lors de la conférence sur le développement des protéines végétales dans l'Union européenne. Parmi les recommandations de ce rapport : le soutien aux producteurs de protéines végétales dans le cadre de la future PAC, l'accroissement de la compétitivité grâce à la recherche et à l'innovation, la mise en place actions de sensibilisation sur les bienfaits des protéines végétales sur le plan de la nutrition, de la santé ou de l'environnement… Depuis la réforme de la PAC en 2013, la surface consacrée au soja en Europe a déjà doublé, atteignant un million d'hectares. La production de pois fourragers, fèveroles, lentilles, pois chiches a quant à elle quasiment triplée.
Réseau rural français - Kogito